Perspectivia
Lettre1884_07
Date1884-06-12
Lieu de créationHildesheim Keswick Rds Putney
AuteurScholderer, Otto
DestinataireFantin-Latour, Henri
Personnes mentionnéesDubourg, Victoria
Edwards, Ruth
Steinhardt, Karl-Friedrich
Scholderer, Luise Philippine Conradine
Scholderer, Viktor
Millais
Duranty, Louis
Couture, Thomas
Keene, Charles Samuel
Dubourg, Charlotte
Dubourg, Hélène
Dubourg, Jean-Theodore
Zola, Emile
Blanc, Charles
Maître, Léon Mme
Lieux mentionnésLondres, Dowdeswell Gallery
Londres, Royal Academy of Arts
Paris, Salon
Œuvres mentionnéesS The Last Chapter/ Letztes Kapitel (le dernier chapitre)
F Portrait
F Portrait de Mme Léon Maître

Hildesheim Keswick Rd Putney

12 juin [18]84

Mon cher Fantin,

je vous remercie bien de votre lettre, que j’ai reçue il y a bien longtemps, ainsi que la note que vous m’avez envoyée regardant mon tableau au Salon.Scholderer, The Last Chapter / Letztes Kapitel, B.225. Cela ne m’a pas étonné d’apprendre qu’il a été mal placé et cela ne m’a pas touché du tout, je ne manquerai pas d’envoyer un autre l’année prochaine, peut-être ce sera plus du goût du temps et peut-être parmi mes sujets j’en trouverai un, du reste ce n’est qu’une étude qui n’a pas beaucoup d’intérêt. J’ai été bien fâché que l’Académie a refusé le portrait de Mme Maitre,Fantin-Latour, Portrait de Mme Léon Maître, F.1149. je ne pouvais le croire et je n’avais pas cru que cela pouvait-être possible, quoique de la part de l’Académie rien ne devrait vous étonner, cependant, j’ai été content de voir que ce n’était pas le portrait de MadameFantin-Latour, Portrait, F.1099. qui me plaît tant et pour lequel j’ai moi-même plus de sympathie que pour l’autre, quoiqu’il est ravissant et d’une grande finesse. Madame Edwards peut-être a fait encore la faute d’envoyer cinq de vos tableaux et l’Académie a refusé avec plaisir un des plus importants.

Vous ne m’avez pas dit ce que vous avez fait pour le Salon cette année, Steinhardt cependant m’en a raconté et il a beaucoup admiré votre tableau dont votre lithographie vous a donné l’idée,Fantin-Latour, Nuit de printemps (ou le rêve du poète), F.1148. j’espère que nous le verrons ici, quoique cela est très égoïste de ma part, car je vous souhaiterai de le vendre au Salon ; ici cela n’existe plus que de vendre un tableau, vous devez être étonné que nous vivons encore ! Je ne suis capable pour rien, les soucis de la vie me prennent entièrement, mais je ne veux pas vous ennuyer avec cela.

J’ai pensé à retourner en Allemagne, où on peut vivre avec moins, mais on n’y gagne rien non plus, on ne sait ce que faire. J’ai fait quelques portraits à des prix très modérés, j’aime à faire des portraits maintenant plus qu’autre chose, et je crois que c’est toujours ce que [je] fais de mieux avec des natures mortes sur lesquelles je reviendrai aussi.

Vous allez sans doute aller bientôt à la campagne, comme vous devez aimer cela maintenant. Vous demandez si j’avais les projets d’aller à Paris ; rien n’est plus loin que cela, il me semble que je n’y reviendrai plus jamais, votre question même m’a paru étrange. Ma femme est bien faible et sa santé n’est pas bonne. Victor aussi nous fait quelque fois peur, il est bien délicat, mais en même temps plein de vie. Il a grandi bien, ses boucles sont coupées, il devient un grand garçon, il parle surtout allemand et il est bien amusant, mais très rusé et nous donne pas mal de peine, comme je voudrais que vous et Madame puissiez le voir ! Il dessine moins et ce n’est pas si bien qu’il a été il y a quelque temps.

L’académie est bien mauvaise cette année, les tableaux de Millais sont moins bien qu’à l’ordinaire, je crois qu’on a dû refuser bien de bonnes toiles. Votre portrait de Madame est aussi mal placé que possible, sans avoir une mauvaise place.Fantin-Latour, Portrait, F.1099. Je n’ose plus demander ce que Madame a exposé, puisque vous ne me répondez jamais à cette question, je dois m’adresser à elle alors <j’ai regretté que je n’ai pas vu un de ses tableaux à l’académie. Vous êtes occupé sans doute maintenant à faire des fleurs, allez-vous bientôt à la campagne ? Il y a quelque temps déjà que je voulais vous demander, si les traités que Duranty a écrits sur l’art ont été imprimésLes écrits sur l’art de Duranty n’ont jamais été regroupés dans un volume. Ses critiques d’art paraissent dans Les Beaux-Arts illustrés, Chronique des arts et de la curiosité, la Gazette des Beaux-Arts ou encore la Revue de France. et si cela se vend, aussi si cela vaut la peine de lire ce que Charles Blanc a écrit sur l’art,Charles Blanc (1813-1882), critique d’art français, historien et homme politique socialiste. Il fonde la Gazette des Beaux-Arts en 1859. Il est nommé directeur des Beaux-Arts de 1872 à 1874 et est élu à l’Académie des beaux-arts en 1876. Auteur de nombreux articles, notamment sur Vélasquez et Delacroix, ses principaux ouvrages sont l’Histoire des peintres au XIXe siècle (1845) et la Grammaire des arts et du dessin (1876). cela m’intéresse en ce moment, aussi j’aimerais à lire le livre de CoutureAprès s’être installé à Senlis en 1861, Couture écrit un texte à l’intention de ses disciples qu’il publie en deux volumes sous les titres Méthode et entretiens d’atelier, Paris, 1867 et Entretiens d’atelier. Paysage, Paris, 1869. Il y consigne des observations personnelles et des remarques autobiographiques. N’étant pas théoricien, il prodigue à ses élèves des conseils pratiques et de méthode et diffuse son image de l’artiste qui comprend le monde mieux que le philosophe. sur la peinture, il me semble que cela doit être amusant, vend-on cela ?

Whistler a fait une exposition ici,Le 17 mai 1884 s’ouvre une exposition de soixante et une œuvres de Whistler intitulée « Notes »-« Harmonies »-« Nocturnes » à la Dowdeswell’s Gallery, 133 New Bond Street, Londres. Whistler conçut lui-même le catalogue et la décoration de l’exposition. je ne l’ai pas vu, Charles Keen l’admire beaucoup, je l’ai rencontré aujourd’hui.

Adieu, mon cher Fantin, bien des choses de notre part à vous et Madame, aussi à Mr. et Mme Dubourg, et Mlle Charlotte. Votre ami Scholderer

J’ai lu dernièrement Nana de Zola,Émile Zola, Nana, 1880, première édition. j’en ai assez de lui maintenant>