Lettre | 1881_02 |
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Date | 1881-02-07 |
Lieu de création | Putney |
Auteur | Scholderer, Otto |
Destinataire | Fantin-Latour, Henri |
Personnes mentionnées | Scholderer, Luise Philippine Conradine Duranty, Louis Thoma, Hans Menzel, Adolph Friedrich Erdmann von Gebhardt, Edward Karl Franz Scholderer, Viktor Dubourg, Victoria Esch, Mlle Duranty, Madame |
Lieux mentionnés | |
Œuvres mentionnées |
Heureusement le temps de nos souffrances est passé maintenant ; c’était bien dur, car le froid terrible nous avait subjuguésEn janvier 1881 le sud de l’Angletere est affecté par d’importantes tempêtes de neige qui immobilisent le pays et font une centaine de morts. entièrement, nous ne pensions qu’à nous chauffer, mais c’était bien difficile, pendant le plus grand froid, je veillais dans la nuit pour que le feu dans la chambre à coucher de notre fils ne s’éteignît pas. Ma femme a été bien souffrante, elle avait pris froid et avait un rhume qui m’inquiétait beaucoup, et c’était justement à l’époque où la nourrice nous quittait sans nous prévenir, on peut dire qu’elle s’en allait à la dérobée. Heureusement que j’en ai trouvé une autre après avoir parcouru partout du sud jusqu’au nord de Londres. Après elle, le petit prenait froid et commençait à tousser terriblement et vous pouvez croire que cela nous a effrayés beaucoup.
Enfin tout est passé maintenant, tout le monde va mieux, aussi ma femme, qui cependant est toujours assez faible ; mais je dois être content. Je n’ai pas travaillé pendant le froid, depuis quinze jours je m’y suis mis à reprendre ma peinture, mais avec des interruptions, notre demeure nous fait beaucoup de soucis, nous ne trouvons pas de maisons à Putney et quand nous croyons d’en avoir trouvé une, on ne permet pas de construire un atelier, partout il y a des obstacles, je perds un temps énorme avec ces affaires et en suis distrait, je vois bien que ma peinture en souffre ; enfin je dois me consoler avec l’idée que cela ne puisse durer qu’un certain temps. Encore nous n’avions pas d’eau pendant le froid et fait est que nous n’en avons pas maintenant, tous les tuyaux ont été gelés, et quand la gelée arriva, ils avaient des fentes partout qui ne sont pas encore réparés, alors on nous apporte l’eau d’un quart de lieue d’ici. Les charbons étaient très rares et difficiles à obtenir et le gaz ne brûlait pas. Vous pouvez vous imaginer la violence de la tempête de neige, pendant le jour le plus froid qu’elle entrait dans notre maison à portes fermées, tellement que nous avons ramassé 7 seaux de neige pendant un matin, je n’ai pas vu cela, même en Allemagne.
Je veux écrire chaque jour, toujours je suis ou trop fatigué ou n’ai pas le temps, excusez ma lettre qui est écrite à la hâte, mais il me semble que c’est le dernier moment où je dois oser à vous répondre à votre aimable lettre.
Nous avons appris avec le plus grand plaisir votre élection comme membre du Jury, il est vrai que vous en devez être fier, puisque c’est entièrement relatif à l’artiste, pas à votre personne.Fantin a été désigné pour faire partie comité de quatre-vingt-dix membres (dont 50 peintres) qui règle désormais les conditions de l’exposition de 1881 et prend pour nom Société des artistes français. Mais je ne vous envie pas le travail que cela vous causera, ce sera bien rude. Enfin nous allons avoir le résultat de le nouvel arrangement, je crois qu’on ne trouvera jamais les moyens de arranger une grande exposition d’œuvres d’art, c’est une absurdité déjà d’en faire ; c’est drôle qu’on ne veut pas se défaire des médailles, cependant c’est partout comme cela et après tout, je trouve que le suffrage artistique universel, c’est encore ce qu’il y a de mieux, c’est le plus juste il me semble, naturellement la politique y entre aussi, c’est bien bête ; je ne saurais pas donner un avis dans cette chose, je n’ai pas d’opinion.
Il me fait bien plaisir de penser que la vente de Duranty a produit une somme pour sa veuve et je suis content que le dessin de Thoma vous plaît. Menzel a eu un grand succès à Paris, je suis fâché que vous n’avez pas pu acheter de ses dessins, j’ai vu très peu de dessins de Gebhardt, mais il me semble qu’ils doivent être très bien.Degas, exécuteur testamentaire de Duranty, organise une vente de sa collection qui a lieu les 26 et 27 janvier 1881. La collection de Duranty comprenait des œuvres de Mary Cassatt, Degas, Desboutin, Fantin-Latour, Forain et Pissarro. La préface du catalogue de la vente est rédigée par Émile Zola. Voir dans Vente par suite du décès de Emile Duranty, homme de lettres [de] tableaux modernes, esquisses, aquarelles, pastels, dessins, eaux-fortes, livres [...], les Vendredi 28 et Samedi 29 Janvier 1881[...], par le ministère de Me Maurice Delestre, commissaire-priseur [...], assisté de Durand-Ruel, Expert [...], [et de] Champion, libraire [...], Paris, 1881.
Je ne peux pas écrire plus aujourd’hui, seulement je veux dire encore que Victor va bien en ce moment, il devient un peu plus amusant, il rit et ses yeux sont bien gais et plein de vie et de jeunesse. Je vous enverrai sa photographie qui a été prise avant hier, je ne l’ai pas encore vue, mais le photographe me dit qu’elle est bien. Nous espérons que vous et Madame soient en bonne santé maintenant que le froid est passé, vous avez raison, la température joue un grand rôle dans la vie, j’ai tellement envie de passer quelque temps ou au moins un hiver en Italie, jamais je ne le désirai autant que pendant ces dernières semaines. Adieu, nos meilleurs compliments à vous et Madame. Bien des choses aussi à Mlle Esch, nous avons reçu sa lettre, mais étaient incapables à y répondre. Je vous écrirai plus longuement de ce que je fais dans la prochaine lettre.