Correspondance Fantin-Latour & Scholderer

[Début juillet 1880]

[Paris]

Mon cher Scholderer,

Je vous envoie votre portraitFantin renvoie à Scholderer l’autoportrait : Selbstbildnis, B.150, que ce dernier avait présenté au Salon de 1880. par petite vitesse, aujourd’hui. J’espère que vous allez bien et que vous êtes débarrassé de votre névralgie maintenant. Qu’avez-vous fait dernièrement ?

Voilà les chaleurs, cela est bien fatigant pour travailler. J’ai bien à vous remercier pour votre obligeante recommandation à Madame Jones. J’ai eu bien du plaisir de savoir que ces tulipes vous aient plu.

Je relis votre lettre pour répondre à tout ce que vous me dites. Avez-vous achevé tout ce que vous étiez en train de faire à cette époque, je ne sais encore si nous irons à Londres. Je ne puis me décider. Vous me demandez quelles sont les laques dont je me sers ? Toutes les garances la capucine, la rose, la rose dorée, la foncée, le carmin de garance, la brûlée, les garances de Robert. Si vous ne les connaissez pas, je vous les enverrai par Melle Esch. Pour faire sécher, je me sers toujours de Medium Robertson.Le medium Robertson est un siccatif qui permet de faire sécher plus rapidement les toiles en vente dans le commerce au XIXe siècle. Il s’agit d’un mélange de vernis au cobalt, d’huile d’œillette et de cire blanche. Pour les laques cela ne me paraît utile que pour les fleurs et les fruits ou les choses très coloriées.

Je me sers du Jaune de Chrome. Pour les verts, presque tous Emeraude, Malachite, Cobalt.

Comme Violet, le violet de Cobalt. Je me sers aussi de terre de Sienne naturelle. Pour les procédés lithographiques, je ne sais rien, même maintenant. Je ne me sers du papier que comme ébauche, une fois que cela a été reporté sur la pierre. Je travaille longtemps la pierre. On peut modifier un peu la pierre quand on a déjà tiré, mais peu de chose. Mais à Londres on doit se servir de ce papier, ils ont peut-être des papiers meilleurs ? A propos de papiers, mais celui que Madame Edwards vous a apporté c’est celui de Lhermitte, c’est lui qui nous a dit de le prendre chez Berville, il y a le nom de Lalanne dans le papier.

Que savez-vous de Whistler ?Whistler est à Venise de septembre 1879 à novembre 1880 où il travaille sur des eaux-fortes qu’il exposera en décembre 1880 à Londres.

Je crois que Cazin n’a pas de photographie de son tableau,Cazin, Agar et Ismaël (1880, huile sur toile, 250 x 200 cm, Tours, musée des Beaux-Arts). du reste vous le verrez un jour, on le lui a acheté pour le Luxembourg.

Ma femme me charge de remercier madame de son aimable lettre. Nous sommes très contents de voir Madame Meyer. Mademoiselle Esch doit vendredi (si il lui était possible) voir madame Roth pour prendre jour pour la visite de Madame Meyer. Nous ferons tout ce que nous pourrons pour lui être utile et agréable.

Écrivez-nous bientôt. Si vous avez des commissions, Mademoiselle Esch doit partir vers le 10, si vous vouliez quelque chose, couleurs et papiers etc… Tous nos compliments pour vous deux. H. Fantin