Perspectivia
Lettre1894_01
Date1894-12-07
Lieu de création6. Bedford Gardens Kensington, London
AuteurScholderer, Otto
DestinataireFantin-Latour, Henri
Personnes mentionnéesDubourg, Victoria
Etty, William
Leighton, Frederick
Dürer, Albrecht
Stothard, Thomas
Linton, James Dromgole
Scholderer, Viktor
Dubourg, Charlotte
Dubourg, Hélène
Lieux mentionnésLondres, Royal Academy of Arts
Londres
Paris
Londres, Royal Institue of Painters in Water Colours
Œuvres mentionnées

6 Bedford Gardens

London W.

7 déc. 1894 [7 janvier 1894]Scholderer fait une erreur en inscrivant décembre au lieu de janvier.

Mon cher Fantin,

Je vous remercie bien pour votre bonne lettre et pour vos bons souhaits pour la nouvelle année pour nous tous. J’espère qu’elle vous a trouvé, ainsi que Madame, en bonne santé et que vous continuerez sur ce chemin. L’hiver est arrivé enfin et nous a apporté le brouillard, il m’a empêché de travailler pendant toute la semaine et j’ai employé mon temps à toutes sortes d’affaires que j’avais négligées, et il y en a tant dans la maison quand on vit à Londres.

L’exposition de la collection de vieux maîtres à l’Académie est bien intéressante.Burlington House, à Piccadilly, est le nom du bâtiment qui abrite la Royal Academy depuis 1868. Depuis 1870, l’académie y organise chaque hiver une exposition de maîtres anciens et d’artistes anglais décédés.

Un artiste anglais que je n’avais pas bien connu est représenté avec un nombre de ses œuvres. C’est Stothard.Thomas Stothard (1755-1834), peintre anglais. Il est contemporain d’Etty et en quelque sorte se rapproche de son art, et quoiqu’il ne soit pas aussi complet que ce dernier, est bien original. Je ne saurais guère vous donner la description de sa peinture, il faut le voir. Cela me rappelle qu’on a vendu cet hiver un grand tableau de EttyWilliam Etty (1787-1849), peintre anglais. Élève de Thomas Lawrence, il fait carrière comme peintre d’histoire et réalise également des portraits et des nus. Joan of Arc, after Rendering the Most Signal Services to her Prince and People, is suffered to die a martyr in their Cause, 1846-1847, huile sur toile, 117 x 78 cm, volet du triptyque consacré à Jeanne d’Arc, réalisé par Etty entre 1842 et 1847. Elle passe à la vente W. Ramsden le 14-1-1893 (127). Selon le catalogue raisonné d’Etty, elle n’est pas achetée par Linton, mais par Lesser pour 7,5 guinées, ce qui correspond à la somme mentionnée par Scholderer. Voir Dennis Farr, William Etty, Londres, 1958, p. 135, n° 22. – je crois une Jeanne d’Arc – figure entière, grandeur naturelle pour 7 livres, quel dommage qu’on n’a pas pu l’acheter. Linton, le président de l’Institut l’a acheté,Il est question du peintre Sir James Dromgole Linton (1840-1916), président du Royal Institute of Painters in Water Colours de 1884 à 1898 puis à nouveau de 1909 à 1916. il a une bonne collection de tableaux d’Etty déjà, à ce qu’on dit.

Le désir d’être membre de l’Institut toute fois ne m’empêche pas à dormir. J’ai peu d’admiration pour cette société, mais je voudrais avoir une autre place pour exposer mes tableaux, cependant je crois que j’ai peu de chance, les étrangers ne peuvent pas compter sur la sympathie des Anglais.

Leighton a fait un discours sur l’art allemand à l’Académie et leur trouve bien des fautes, surtout dans les cathédrales de Cologne et autres, qui ne sont pas d’après son goût, aussi Dürer n’échappe pas à sa critique sévère.Sir Frederic Leighton, président de la Royal Academy, donne des leçons aux étudiants de son institution entre 1879 et 1893. Elles sont publiées en 1896 sous le titre Adresses Delivered to the Students of the Royal Academy (Londres, Kegan Paul, Trench, 1896). Dans ses huit leçons, données à deux ans d’intervalle, Leighton présente ses idées sur l’évolution de l’art, de l’ancienne Égypte à l’art allemand contemporain. Ses analyses des différentes écoles artistiques sont marquées par la description de caractères raciaux et de tempéraments nationaux en art. Sa dernière leçon est consacrée à l’Allemagne dont l’impulsion esthétique, selon lui, passe toujours après le sens éthique. Les artistes allemands manquent de délicatesse et du sens de la beauté. Le Times a trouvé qu’il allait un peu trop loin.

Vous devez avoir bien froid aussi à Paris. C’est bien désagréable ici. D’abord, l’eau nous manque et le charbon devient de jour en jour plus cher, et cependant on ne peut pas se réchauffer, l’hiver n’est pas pour les gens âgés. Victor a commencé à patiner, je n’ai pas eu encore le courage, les vieux os deviennent fragiles, cependant je l’aime toujours et cela me rappelle ma jeunesse.

Je vous dis adieu, rappelez nous, je vous prie au bon souvenir de Madame et Mademoiselle Dubourg, et donnez-leur nos meilleurs souhaits quoique retardés pour la nouvelle année.

Je suis bien curieux ce que vous allez faire pour le Salon, j’espère que vous m’écrivez un jour quels sont les sujets.

Nos meilleurs compliments pour vous et Madame.

Votre ami

Otto Scholderer