Lettre | 1879_15 |
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Date | 1879-07-20 |
Lieu de création | 8 Clarendon Road Putney |
Auteur | Scholderer, Otto |
Destinataire | Fantin-Latour, Henri |
Personnes mentionnées | Riesener, Léon Edwards, Edwin Edwards, Ruth Fabre Schumann, Robert Esch, Mlle Scholderer, Luise Philippine Conradine Dubourg, Victoria Delacroix, Eugène |
Lieux mentionnés | Londres, Royal Academy of Arts Londres Paris Paris, Salon |
Œuvres mentionnées | F Portraits ou la leçon de dessin dans l'atelier F Pivoines, gros bouquet S Mandolinenspielerin (joueuse de mandoline) S Mandolinenspielerin (joueuse de mandoline) S Schwarzwaldmühle in Kirnbach bei Schiltach (moulin de la Forêt-Noire à Kirnbach près de Schiltach) S Haasenbub (le braconnier) S Stilleben mit Auerhahn und Fasan (nature morte avec coq de bruyère et faisan) |
Toutes sortes de choses m’ont empêché de vous écrire plus tôt, et je vous remercie de votre bonne lettre, et pour l’envoi de votre photographie d’après le tableau du SalonFantin-Latour, Portraits ou la leçon de dessin dans l’atelier, F.920. et des dessins de Riesener, et la gazette des Beaux-arts avec votre lithographie,Il s’agit vraisemblablement de « Fragment du tableau de M. Fantin-Latour (croquis de l’artiste) » reproduit dans l’article d’Arthur Baignères, « Le Salon de 1879 », dans Gazette des Beaux-Arts, t. XIX, janvier-juin 1879, p. 549-572, p. 557. tout cela m’a fait le plus grand plaisir et je vous en remercie bien. Votre tableau m’a plu beaucoup, c’est charmant, et le sujet et l’arrangement.Fantin-Latour, Portraits ou la leçon de dessin dans l’atelier, F.920. Je trouve que le tableau a quelque chose de sérieux qui n’appartient pas à l’art moderne, c’est calme et tranquille, on voit que vous l’avez fait avec plaisir et il me semble avec beaucoup de facilités, cependant le sujet me paraît bien difficile ; combien je voudrais le voir en peinture, la photogr. est bien faible pour rendre votre peinture je trouve. J’ai apporté à Edwards l’épreuve que vous lui avez destinée, il se portait assez bien juste à ce moment et il me semble que cela lui a fait grand plaisir, il l’a mise sur la cheminée et la regarde souvent pendant la journée.
Les dessins de Riesener m’ont bien plu et il est vrai que c’est un nouveau personnage dans l’art pour moi, c’est bien vrai et bien honnête ce qu’il fait, et il me semble que je le comprends bien, seulement je regrette bien de n’avoir vu son exposition, surtout les tableaux, je me souviens très bien de celui du Luxembourg, tout à fait bien.Riesener, Bacchante, 1855, 110 x 135 cm, Paris, musée du Louvre. Ce tableau avait appartenu à Delacroix. L’étude de la draperie me plaît, surtout aussi les pieds du vieux qui sont extrêmement bien, et l’étude du vieillard est tout à fait bien. Il me semble, si je ne me trompe pas, que Riesener montre si bien qu’il n’est pas nécessaire d’être un grand génie pour faire bien avec son talent et son sentiment pour la nature, et pour faire vrai, étudier et tâcher de se perfectionner en ce qu’on fait, on finit par être un homme remarquable, le nombre de ceux qui font comme cela est bien petit, et surtout maintenant que je suis plus âgé et peux faire des comparaisons, je vois de jour en jour plus comme ces qualités sont rares ! Je regarderai ces dessins toujours avec le plus grand plaisir, un jour j’espère d’en voir plus chez vous et à Paris.
La lithographie que vous m’envoyez est déjà dans ma collection, permettez-vous de la donner à un Monsieur de ma connaissance qui admire beaucoup votre art ? Il en sera bien content ! J’ai vu le dernier envoi de vos fleurs chez Edwards qui sont admirables, il me semble qu’on ne peut pas faire mieux, les pivoines sont extraordinaires,Fantin-Latour, Pivoines, gros bouquet, F.942. et s’il y avait quelqu’un qui désirerait de les voir peint mieux, c’est alors que celui[-ci] doit avoir un fort beau idéal en peinture qui malheureusement ne se réalisera jamais ! Elles sont la perfection même.
Je comprends que vous n’avez pas envie de venir à Londres et que vous craignez de voir Edwards dans l’état où il est maintenant, c’est toujours le même et bien triste. Nous espérons que la campagne vous fasse du bien, mais le temps est si affreux et l’été se passe en pluie. Nous resterons à Putney, aussi je n’ai pas envie du tout de quitter Londres, je n’ai pas besoin d’un changement de vie, quoique nous ne nous portons pas trop bien tous les deux. J’ai bien travaillé excepté la semaine passée où j’étais trop faible, heureusement je suis assez content de ce que je fais et la peinture me fait plaisir en ce moment, il me semble que j’ai fait un petit progrès. Je fais deux tableaux à peu près du même sujet, c’est une jeune fille assise jouant de la Mandoline,Scholderer, Mandolinenspielerin, B.179. dans le second le mouvement de la tête est changé, fond clair gris jaunâtre et robe blanche, très simple, figure entière.Scholderer, Mandolinenspielerin, B.180.
Mlle Fabre est venue nous voir quelques fois, vous l’avez sans doute vue maintenant et elle vous a peut-être donné quelques petits détails de notre vie. Elle a donné un concert et a joué extrêmement bien, aussi nous a-t-elle joué quelques fois sur notre nouveau piano, ce qui nous fait grand plaisir. Je trouve qu’elle joue fort bien et il me semble qu’elle a eu bien du succès avec son jeu ici. C’est un jeu consciencieux au plus haut degré, et les choses qu’elle a étudiées et connaît à fond, elle les rend si bien qu’elle ne nous laisse rien à désirer ; surtout Schumann elle joue si bien, il me semble, sans exagération, et bien clair, et simple ce qui est bien nécessaire pour les choses de Schumann. Nous l’aimons beaucoup, elle est bonne et simple et sans prétentions, nous aurons le plaisir de la revoir peut-être à la fin du mois prochain. <Notre ménage a été dernièrement augmenté par un chien, dont on nous fait cadeau, un « fox terrier » et par un fils de notre chat>
Peut-être vous êtes allés déjà à la campagne, j’espère que vous avez trouvé un endroit qui vous plaît, je suis certain que la campagne vous fera beaucoup de bien ainsi qu’à Madame, vous avez travaillé énormément dans le dernier temps et vous avez besoin de repos. Comme va Mlle Esch, ma femme a voulu lui écrire, mais elle a été souffrante les derniers jours, elle lui écrira bientôt, Mlle Fabre nous a donné les dernières nouvelles et nous a dit que sa santé laissait bien à désirer, nous espérons qu’elle aille mieux maintenant.
J’ai l’intention de faire deux natures mortes pour le Salon prochain, qu’en dites-vous ? A peu près de la grandeur de celles que j’ai exposées [en] 1869 à Paris, les oiseaux et le lièvre avec le coq de bruyère,En 1869, Scholderer expose au Salon de 1869, Schwarzwaldmühle in Kirnbach bei Schiltach, B.79 sous le titre Vue prise dans la Forêt-Noire (n° 2164) et Haasenbub, B.58 sous le titre Le braconnier (n° 2165). Bien que l’on ne connaisse pas aujourd’hui l’aspect du Haasenbub, le sujet ne semble pas correspondre à la description proposée par Scholderer qui ne mentionne pas de figure. Il est possible qu’il évoque en fait Stilleben mit Auerhahn und Fasan, B.90, dont le sujet est plus proche de l’œuvre qu’il décrit à Fantin. aussi j’ai de grands projets, pour un grand tableau, pour l’Académie dont je vous écrirai plus tard. Maintenant adieu, et prenez tous les deux nos meilleurs souhaits pour votre santé, et nos compliments, et ne ne vous laissez pas sans nous écrire un mot. Bien des choses à Mlle Esch de notre part.