J’ai trouvé votre bonne lettre à notre retour de l’Allemagne et je vous en remercie bien. Nous sommes arrivés à Putney le dernier décembre au soir. Ma femme n’a pas pu voyager plus tôt ; elle se porte un peu mieux et le voyage ne l’a pas trop fatiguée. Je suis très content d’être enfin chez moi. Je n’ai pas encore commencé à travailler, j’avais à faire beaucoup de courses pour mes affaires ; j’ai vendu à Deschamps les deux natures mortes que j’ai fait à Francfort,Il est vraisemblablement ici question de deux des trois œuvres suivantes : Stilleben eines Fasanenpaars auf hellem Grund über grünen Zweigen, B.145 (dans sa thèse, Jutta Bagdahn situe la réalisation de cette œuvre au milieu des années 1870, la lettre 1875_15 permet de la dater de 1875) ; Jagdstilleben mit aufgehängtem Hasen und einer Ente, B.147 (dans sa thèse Jutta Bagdahn situe la réalisation de cette œuvre dans les années 1890 comme en atteste la lettre 1875_17 : cette nature morte date de 1875) ou Zwei kleine Vögel, B.149. je ne sais pas encore ce que je dois commencer maintenant.
J’ai vu Mad. Edwards, elle m’a tout de suite raconté avec plaisir que vous étiez un peu fâché contre eux, que vous ne compreniez rien des affaires. Elle est tout à fait sûre d’elle-même, je me doute bien qu’Edwards soit le même. Je ne m’en suis pas mêlé, comme vous le désiriez, je lui ai dit qu’il ne s’agissait que de vendre vos tableaux aux prix qu’elle avait fixés, pour prouver qu’elle avait raison, elle disait qu’elle était sûre de les vendre. Je n’ai qu’à peine vu vos tableaux, c’était un jour de brouillard et je ne pouvais rien distinguer. Le portrait des E.Fantin-Latour, Portrait de Mr et Mrs Edwin Edwards, F.738. m’a paru bien autre chose que la photographie qui donne très peu les valeurs des couleurs, il m’a paru très beau et d’une grande simplicité. La seule chose que je pourrais vous conseiller, c’est d’élever vous-même les prix de vos tableaux, qu’ils ne peuvent pas gagner tant, peut-être ce sera le plus simple. J’ai vu Deschamps qui croit que les E. vous ont fait beaucoup de tort en augmentant tellement les prix, et il prétend qu’il ne peut maintenant pas même vendre les tableaux qu’il possède de vous aux anciens prix, je crois cependant que c’est dit beaucoup trop et je lui ai dit que vous les vendriez toujours très bien aux prix que vous faisiez vous-même. Je lui ai dit qu’il n’avait pas à se plaindre puisque les E. étaient marchands comme lui-même. Seulement ils avaient tort de faire croire au public anglais qu’ils font tout cela, seulement pour vous ; au reste chaque marchand de tableaux fait la même chose, seulement les E. oublient tout à fait dans quelles conditions avec vous, ils ont commencé à vendre vos tableaux ; ce que vous avez écrit à Edwards est tout à fait frappant nous en avons bien ri, je trouve que c’était la meilleure réponse à ses sottises. Elle, comme nous l’avons déjà dit à Paris, est vraiment trop bête et en tout a beaucoup moins de tort que lui. Je comprends que ces affaires vous dégoûtent beaucoup, le meilleur plan est que vous leur envoyiez très peu de tableaux. Mme Edwards ne se doute pas que je sache rien de ces affaires, je l’ai très bien vu, faut-il être bête pour cela ! Elle est très aimable pour moi, et j’en suis sûr me fait beaucoup de mal par conséquent, sans elle je serais libre de m’adresser aux Morrison librement pour le portrait et autres affaires que j’ai cru faire avec eux.En se fondant sur la seule lettre 1875_08, Jutta Bagdahn a inscrit dans son catalogue Porträt der Madame Morrison, B. 140, non mentionné par Herbst, pourtant rien n’atteste que Scholderer l’ait réalisé. Il est donc ici question soit de ce portrait, soit du Porträt der Miss Chermside, B.143, plus jeune sœur de Madame Morrison. Comme vous travaillez ! Vous me faites encore peur avec vos grands tableaux de fleurs ! Je me réjouis d’avance d’avoir la lithographie du dessin en l’honneur de Berlioz.Fantin-Latour, L’anniversaire, H.7.
Je crois que je commencerai avec mon portrait pour l’Académie,Scholderer, Selbstbildnis, B.150 que Scholderer expose à la Royal Academy en 1876. en finissant de même quelques petites choses commencées dans l’été, je veux m’y appliquer bien.
Je regrette bien de n’avoir pas pu travailler avec vous à Paris, je l’ai tant désiré ! Cela m’aurait fait beaucoup de bien et quel charmant temps nous aurions pu passer ensemble et faire de la musique !
Dites bien des choses de notre part à Mlle Dubourg et à sa famille, qu’ils nous tiennent tous en bon souvenir, est-ce que Mlle prépare quelque chose pour le Salon ?
M. Dubourg m’a remercié pour le livre que je lui ai envoyé, mais vous ne m’avez pas dit s’il est aussi arrivé, je l’ai envoyé par le libraire et ne sais s’il a fait la commission, je voudrais bien savoir cela. Mlle Esch nous a écrit il y a quelques jours, elle dit qu’elle se porte très bien.
Nous avons lu le cousin Pons, je trouve que c’est presque la plus belle chose que j’ai lue de Balzac.Honoré de Balzac, Les parents pauvres. Le cousin Pons, Bruxelles, A. Lebègue et Sacré fils, 1847. Nous n’avons pas encore commencé la Chartreuse,Scholderer fait ici référence à La Chartreuse de Parme de Stendhal publiée pour la première fois en 1839. il faut être plus tranquille pour cela.
Nous avons trouvé nos fleurs étaient presque toutes mortes en arrivant, cela nous a fait bien de la peine. Notre petite maison nous a fait de nouveau une impression très agréable, nous sommes contents d’être enfin revenus chez nous.
Je vous dis adieu, mon cher Fantin, écrivez-moi toujours ce que vous faites. Ma femme vous fait dire bien des choses de sa part.