Lettre | 1875_07 |
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Date | 1875-04-25 |
Lieu de création | [Paris] |
Auteur | Scholderer, Otto |
Destinataire | Fantin-Latour, Henri |
Personnes mentionnées | Scholderer, Luise Philippine Conradine Esch, Mlle Fantin-Latour, Henri |
Lieux mentionnés | Londres, Royal Academy of Arts Paris, Salon |
Œuvres mentionnées | S Reiher und Enten, Stilleben (héron et canards, nature morte ; heron and ducks) S Bildnis der Luise Scholderer (portrait de Louise Scholderer) |
Que votre lettre m’a fait plaisir. J’ai bien souffert. Sa mortJean-Théodore Fantin-Latour, père de Fantin, est décédé le 20 avril 1875 (sa femme était elle-même décédée depuis 1867). était attendue. Il s’affaiblissait toujours, puis la congestion cérébrale est venue, alors (dit le médecin) il était sans connaissance. Mais quelles horribles heures j’ai passées pendant 24 heures. Un râle épouvantable, les poumons respiraient avec une force horrible. La tête s’agitait en mouvement nerveux, affreux. Mon Dieu, faites-le mourir, disais-je à chaque instant. Ce n’est qu’à trois heures du matin qu’il est devenu calme. Peu à peu la respiration est devenue calme, puis il a plaint doucement, comme si il disait, Ah ! Je repose enfin.
Voyez-vous mon cher Scholderer, à ce moment j’étais dans un état extraordinaire. J’étais si heureux, je l’embrassais, je lui parlais. Je le voyais délivré de la souffrance horrible, il paraissait si heureux. Mais je ne lui voyais aucune connaissance. Tout cela était dans l’intérieur qui se réfléchissait sur la face. Puis alors est arrivé un état que je ne peux pas raconter. Des éclairs qui passaient sur la figure, une suite d’expressions différentes. L’Intelligence avait pris la place de l’Imbécillité, il devenait grave. Oh ! C’était admirable. J’ai regardé pendant quelques minutes le plus grand spectacle que l’on puisse voir. Je ne cessais de dire : Oh ! Que c’est beau, que c’est beau !
La mort est bien la seule marque manifeste, dans toutes les choses de la vie, du spiritualisme. Il y a là dans ce moment de l’Indéfinissable ! Devant ce spectacle, on comprend que l’homme ait senti Dieu et l’Immortalité, c’est là l’origine de ces idées-là.
Je ne songe à rien, vous pensez. Je travaille pour m’occuper. Je ne veux rien changer, vous pensez, tout de suite. Je ne redoute pas les endroits où nous avons vécu ensemble. Il n’y a que le travail et d’agir qui console.
Je suis bien content de vous savoir reçu à l’Académie.Scholderer est reçu pour la première fois à la Royal Academy pour Heron and Ducks, B.134 et Porträt der Luise Scholderer, B.124. Cela va être pour vous le signal de vos succès en Angleterre. Dites de ma part à Madame bien des choses. Veuillez me rappeler au souvenir de Mademoiselle Esch. Je vous écrirai maintenant après l’ouverture du Salon. On vernit jeudi, et samedi l’ouverture.