Perspectivia
Lettre1886_06
Date1886-12-30
Lieu de créationFrancfort [sur le Main]
AuteurScholderer, Otto
DestinataireFantin-Latour, Henri
Personnes mentionnéesAchenbach, Oswald
Scholderer, Adolphe
Steinle, Eduard Jakob von
Dielmann, Jakob Fürchtegott
Malss, Gerhard
Thoma, Hans
Schreyer, Adolf
Leighton, Frédérick
Burnitz, Karl Peter
Dubourg, Victoria
Menzel, Adolph Friedrich Erdmann von
Lenbach, Franz Seraph von
Achenbach, Andreas
Scholderer, Luise Philippine Conradine
Dubourg, Charlotte
Dubourg, Hélène
Dubourg, Jean-Theodore
Scholderer, Ida
Scholderer, Emil
Lieux mentionnésBerlin-Ouest, Nationalgalerie
Londres
Berlin
Paris
Francfort sur le Main, Städelsches Kunstinstitut
Francfort-sur-le-Main
Berlin, Akademie der Künste
Giessen
Eisenach
Kronberg im Taunus
Œuvres mentionnées

Francfort s/M.

30 déc 1886

Mon cher Fantin,

Il est temps que je vous donne quelques nouvelles de nous. En même temps nous vous envoyons, et aussi à Madame, nos meilleurs souhaits pour le nouvel an et toujours comme première chose, le plus important, une bonne santé !

Il y a quatre mois que nous avons quitté Putney. Nous avons passé d’abord quelques semaines à Eisenach, puis nous sommes allés à Silésie, où j’ai peint quelques portraits et nous voilà maintenant à Francfort. Notre retour en Angleterre s’est retardé encore, à cause de quelques portraits que je dois peindre ici, mais ce n’est pas encore sûr, ensuite je dois faire le portrait de mon beau-frère à Giessen, ce qui me prendra encore quelque temps. Francfort est une jolie ville et j’aimerais bien mieux vivre ici qu’à Londres, surtout parce que ma sœur et mes frères et leurs enfants sont ici et puis, parce qu’on éprouve toujours le désir de retourner dans sa patrie quand on devient vieux, mais on doit toujours payer pour sa faiblesse. Il y a un bon nombre de mes anciens amis, parmi les peintres, qui sont morts dans le dernier temps. D’abord Dielmann,Jakob Fürchtegott Dielmann (1809-1885), peintre allemand qui fréquente régulièrement Kronberg. dont Madame se rappellera, ensuite Steinle,Eduard Jakob von Steinle (1810-1886), peintre autrichien dont Leighton est l’élève à Francfort en 1846. le maître et ami de Leighton, Burnitz aussi est mort depuis quelques mois, il a bien souffert et la séparation de ses enfants lui a causé une grande peine, on est en train de faire une exposition de ses tableaux. Ensuite est mort un sculpteur Dielmann, je ne sais pas si Madame se souvient de lui. Puis l’Inspecteur du Musée de Staedel, Malss,Gerhard Malss (1819-1885), peintre allemand et inspecteur du Staedelmuseum de Francfort. est mort aussi, en qui le monde n’a pas beaucoup perdu. J’ai pensé à demander la place du professeur Steinle à l’institut Staedel, mais les Francfourtois aiment des célébrités, cela m’aurait donné un prétexte de retourner à Francfort, mais l’avantage qu’une position pareille me donnerait serait bien douteuse, quoique j’ai une petite faiblesse pour l’enseignement, quoique je sache quelle occupation stérile c’est. Mais comme je dis, j’ai très peu de chance d’avoir la place. La vie artistique n’est pas devenue plus intéressante ici, on ne fait presque rien, le seul artiste maintenant est Thoma, si on ne veut pas parler de Schreyer qui cependant passe seulement l’été à Francfort. Tout le monde se moque de Thoma, excepté un petit nombre de ses admirateurs. Il a fait dernièrement encore de très bonnes choses, mais ses tableaux ont été encore refusés à la grande exposition de Berlin.Scholderer fait ici référence à l’exposition organisée en l’honneur du jubilé de l’Académie des beaux-arts de Berlin en 1886. Voir Jubilaeums-Ausstellung der Kgl. Akademie der Künste... zu Berlin vom Mai bis Oktober 1886, Berlin, 1886.

Nous avons vu Berlin, c’est-à-dire, nous nous sommes bornés à voir le Musée où il y a quelques très beaux tableaux.Nationalgalerie de Berlin. Nous avons vu peu de la ville, le temps était trop mauvais. J’ai parcouru l’exposition des tableaux modernes, mais le temps était trop court et il y avait trop de monde pour le voir bien. Les tableaux anglais y ont fait une impression, c’était très bien arrangé. Vous connaissez sans doute la collection du Musée [par] des photographies qu’on en a fait.

Quant à l’art moderne allemand, je n’ai pas trouvé des choses nouvelles, la plupart des peintres s’imitent les uns les autres, c’est aussi un impressionnisme pris des artistes français, mêlé de toute espèce d’autre peinture, c’est un mélange affreux, ce sont toujours les vieux qui sont les plus forts, Menzel surtout, et Lenbach, et Achenbach, le paysagiste.

Si je n’étais pas accompagné de ma famille, je passerais à Paris en retournant en Angleterre, mais je me suis proposé d’aller vous voir, pourvu que cela va avec mes autres arrangements au printemps prochain. Le voyage avec un enfant n’est pas commode, quoiqu’il nous donne maintenant moins de peine, car Victor a maintenant six ans passés et il se porte très bien. La santé de ma femme laisse bien à désirer dans le dernier temps. Elle a souvent des accès de grande faiblesse qui m’inquiètent.

Nous causons beaucoup de vous ici et mes frères prennent bien de l’intérêt à ce qui vous concerne et à votre art. Mes neveux sont devenus de grands garçons et sont très gentils, ma nièce est une très jolie fille et a beaucoup de talent pour la musique, elle est venue en été pour nous voir à Putney et a passé trois mois dans notre maison.

Je vous dis adieu, bien des choses à vous et Madame et un baiser de Victor à vous deux, et rappelez-nous au bon souvenir de Monsieur et Madame Dubourg, et de Mademoiselle Charlotte, avec nos souhaits sincère pour le nouvel an. J’espère que ma lettre vous trouve tous en bonne santé.

Votre ami

Otto Scholderer