Perspectivia
Lettre1877_01
Date1877-01-19
Lieu de créationPutney
AuteurScholderer, Otto
DestinataireFantin-Latour, Henri
Personnes mentionnéesScholderer, Luise Philippine Conradine
Dubourg, Victoria
Deschamps, Charles W.
Edwards, Edwin
Sickert, Oswald Adalbert
Véronèse, Paul
Giorgione
Rembrandt
Hals, Frans
Cazin, Jean-Charles
Lieux mentionnésLondres, Royal Academy of Arts
Londres
Paris
Londres, galerie Durand-Ruel (géré par Deschamps, 1870-1875)
Œuvres mentionnéesF Roses jaunes Falcon
F Roses jaunes et roses
S Mrs Tom Plews
S Oswald Sickert
S Dr. George Bird

Putney

19 janv. [18]77

Mon cher Fantin,

Je suis très honteux de ne pas vous avoir écrit depuis si longtemps. Cependant j’ai cru que je ne savais nullement contribuer au bonheur que vous devez éprouver depuis que vous êtes marié, alors je crois que ma lettre vient assez tôt.

Ma femme a reçu l’amiable lettre de Madame et lui en remercie beaucoup. Je crois qu’elle lui aurait répondu de suite si elle n’avait pas trop craint de lui écrire en français, ce qui, comme elle dit, est nécessaire maintenant, car sans cela vous pouviez croire qu’une lettre écrite en allemand contenait un secret et qu’elle savait bien qu’une femme ne doit pas avoir un secret pour son mari. Elle me charge cependant de bien remercier Madame et de lui dire qu’elle ne tardera pas à lui envoyer la réponse.

Je sais que vous avez bien travaillé dans le dernier temps, j’ai vu les roses jaunes que vous avez fait depuis votre mariage qui m’ont beaucoup plu et un autre bouquet de roses charmant.Roses jaunes Falcon, F.791 et Roses jaunes et roses, F.783. Malheureusement l’état des affaires ici est déplorable, aussi mauvais que possible, personne ne veut un seul tableau, vous avez entendu la fin que la galerie de DeschampsDeschamps est accusé de « nonchalance » dans le milieu artistique. Après avoir perdu la direction de la galerie Durand-Ruel à Londres (fermée fin 1875) il continue ses affaires pour son compte et représente notamment Degas sur le marché anglais. a prise. Il n’est certainement pas un homme d’affaires et je crains qu’il ait été peu consciencieux dans ses transactions, mais aussi il faut dire qu’il n’a pas eu de chance et que peu de temps après son début comme marchand de tableaux, cette fatale crise dans le commerce est venue. Mais certainement il n’est pas tout à fait à défendre. Edwards m’a dit que ses amis à Paris sont furieux après lui et il ne les a probablement pas payés. On dit qu’il va s’établir comme marchand, c’est-à-dire commissionnaire de tableaux près de son ancienne galerie.

J’ai bien des désagréments avec mes portraits, on ne pose pas, on ne paye pas. Le temps perdu est le pire et combien de temps j’ai perdu l’année passée ! Je n’ai pas fait grand-chose dans le dernier temps, des dessins, j’ai commencé l’eau-forte et aussi la peinture sur porcelaine qui est cependant encore dans son enfance.Selon Bagdahn, c’est sur l’impulsion de Cazin que Scholderer s’est lancé dans la peinture sur porcelaine, voir Jutta Bagdahn, Otto Franz Scholderer 1834-1902. Monographie und Werkverzeichnis, thèse de doctorat inédite, Fribourg-en-Brisgau, 2002, p. 68. L’eau-forte pour la figure me paraît très difficile, on ne sait pas assez ce qu’on fait et c’est bien mauvais pour le portrait. Au commencement du mois prochain, je dois commencer deux autres portraits. J’ai commencé une tête d’une jeune demoiselleScholderer expose en 1877 à la Royal Academy un portrait de Mrs Tom Plews, B.157a. Il est donc vraisemblable qu’il fasse ici référence à cette œuvre. pour l’Académie où je vais envoyer deux autres portraits en plus.En 1877, Scholderer expose également à la Royal Academy le portrait d’Oswald Sickert, B.158 ainsi que le portrait du Dr. George Bird, B.156.

Je n’ai pas besoin de vous dire combien nous sommes charmés de l’idée de vous voir enfin ici à Londres et j’espère que maintenant ce ne sera aucun obstacle qui vous en empêchera, mais j’espère que vous attendrez le beau temps, car Londres est bien désagréable dans ces mois-ci, mais très beau plus tard en avril ou mai, mais j’oublie que vous savez bien tout cela. Je voudrais cependant bien que vous voyiez cette Exposition de vieux maîtres maintenant.Exposition des maîtres anciens organisée annuellement à la Royal Academy, voir Works by the Old Masters and by Deceased Masters of the British School, Winter Exhibition, Royal Academy of Arts, 8th Year, Londres, 1877. Il y a quatre panneaux de Paul Véronèse, destinés pour les coins d’un plafond, qui sont magnifiques, des femmes nues couchées et assises avec des hommes, trois figures sur chaque grandeur naturelle, vraiment d’une grande beauté.Paolo Caliari dit Véronèse, Allégorie de l’Amour (4 panneaux), vers 1570, huile sur toile, 188 x 188 cm environ chaque panneau, Londres, National Gallery. Le joli tableau de Giorgione, l’homme jouant le guitare avec les deux femmes qui chantent dans un paysage.Palma Vecchio, Le concert, vers 1515-1520, huile sur toile, 119 x 102 cm, Ardencraig, Lady Colum Crichton-Stuart collection, autrefois attribué à Giorgione. C’est comme une belle romance en musique, étourdissant de couleur, ce n’est pas à décrire. Un beau portrait de Rembrandt de lui-même, un bandeau blanc au front, la palette à la main.Très vraisemblablement Rembrandt, Autoportrait aux deux cercles, 1665 ( ?), huile sur toile, 114 x 94 cm, Londres, Kenwood House. Portraits de F. Hals, des Flamands extraordinaires etc. Cela vous ferait bien plaisir ! Je voudrais bien venir vous voir au printemps, mais je crois que j’aurai trop à faire et pas assez d’argent. Je pense toujours à une réunion à la mer avec vous, en été, mais vous êtes trop penché vers l’Allemagne, peut-être nous pourrons aller alors ensemble ? Mais je ne dois pas penser à tout cela encore. Ma femme a souffert encore bien le dernier temps, mais maintenant elle se porte beaucoup mieux, vous pouvez croire combien j’en suis content !

J’aurais dû vous écrire plutôt combien je vous remercie pour la photographie d’après votre esquisse du Tanhauser,Fantin-Latour, Tannhäuser : Venusberg (Ire planche), H.1. elle me plaît bien, je ne l’avais pas vue autrefois. J’ai maintenant une jolie collection de vos œuvres, j’espère que vous trouverez quelque chose dans mes peintures quand vous viendrez, je désirerais bien vous en donner encore quelque chose. Mais j’ai si peu de choses achevées.

Edwards va mieux je le vois assez souvent dans le dernier temps, ils sont tous les deux bien complaisants pour moi.

Je vous dis adieu, écrivez-moi bientôt, je vous prie, ce que vous faites et les détails de votre ménage ce qui nous intéresse beaucoup.

Bien des choses de notre part à Madame et à vous de ma femme.

Votre ami

Otto Scholderer